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Bienvenue à Mossikro, quartier des enterrés vivants

Mossikro: Après les éboulements Crédit B.B.
Mossikro après les éboulements. Crédit photos: B.B.

« Mieux vaut prévenir que guérir ! » Ce sage dicton, sorti de l’esprit éclairé de ne je sais quel penseur (n’hésitez à me donner son nom les gars), résonne fréquemment en Côte d’Ivoire. Et de temps à autre, les champions confortablement installés dans leurs fauteuils ministériels, l’arbore sur leurs lèvres spécialement ointes et dédiées à la louange des œuvres, bonnes ou mauvaises, de Sa Majesté Ouattara premier, distributeur automatique de milliards et bâtisseur infatigable selon son grand frère Bédié, président du PDCI-RDA, histoire de nous faire croire qu’ils sont proactifs. Et pourtant…

Comme l’année dernière, les pluies diluviennes ont encore frappé et fait 16 morts. Et comme l’année dernière, l’Etat arrive après les enterrés vivants des quartiers précaires…

Les mêmes causes produisent les mêmes effets

Dans la nuit du 20 au 21 juin dernier, quatre personnes avaient trouvé la mort dans le quartier de Mossikro, sis dans la commune d’Attécoubé, après les éboulements provoqués par la pluie qui s’était abattue sur la ville d’Abidjan. Ce quartier faut-il le rappeler est coutumier de ce genre de drames. Et bien entendu, l’immense Mamadou Sanogo, ministre de la Construction du Logement et de l’Urbanisme, s’y est précipité pour le traditionnel « Yako » avec enveloppe à l’appui et de sages conseils en prime.

Je n’y avais jamais mis les pieds auparavant. Mais comme je ne laisse pas affaire, j’ai profité du fait que mon boss y avait un reportage, pour découvrir ce fameux quartier qui alimente fréquemment l’actualité en saison pluvieuse. Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par un « Caméra encore ! », résultante du ras-le-bol des riverains qui depuis les éboulements attirent comme des mouches, tous les curieux et sont sous le feu des projecteurs.

Ne leur en déplaise, nous resterons quand même faire notre travail enfin…

Mon constat au vu des images et des témoignages, fut que les responsabilités de ces tragédies sont imputables aussi bien aux habitants de ces quartiers précaires qu’à l’Etat qui fait preuve en la matière d’une totale léthargie.

Des riverains parfois obstinés

Lorsque de tels drames surviennent, on a tôt fait de jeter la pierre au gouvernement qui n’a pas déguerpi ces zones à risques occasionnant de telles tragédies.

Malheureusement il faut bien l’avouer, déguerpir les habitants (des Burkinabè et des Maliens en majorité) de ces zones n’est pas chose aisée. Un agent de la mairie d’Attécoubé, vivant lui-même dans le quartier de Mossikro, me confiait ceci : « Lorsque nous mettons « à démolir » sur leurs maisons ou même lorsque nous essayons de les sensibiliser, ils disent que c’est nous qui allons les dénoncer. Lorsque l’on marque « à détruire » sur leur maison, ils effacent la marque. Même lorsqu’on casse, ils viennent reconstruire pour habiter encore. »

Son témoignage est corroboré par Touré un autre riverain visiblement désolée de ces décès. « Ce sont des amis qu’on a perdus comme ça, malheureusement. Mais quand on dit de quitter ils ne veulent pas ».

Salimata S. habitant également le quartier nous raconte: « Il y a eu trois morts et un blessé chez nous ici. C’est vrai qu’on nous a demandé de partir d’ici. La maison où il y a eu des morts avait déjà été cassée par la mairie. Nous-mêmes on s’est mobilisé pour faire sortir tous ceux qui habitent dans les lieux dangereux. Mais puisque cette cour est fermée, on ne savait pas qu’il y avait des gens dedans. Dans le quartier en tout cas, on ne savait pas. c’est hier qu’on a su qu’il y avait des gens… On était obligé de sortir et taper la porte de chacun pour venir enlever les corps. Je suis très choquée parce que ce sont mes amies. On vendait toutes les trois au marché ensemble. »

Pourquoi quitter un quartier dont le loyer est si bas, un quartier dans lequel l’on peut se bâtir un toit sur une colline en attendant des éboulements sans débourser un rond ? Car l’argent est bien le principal argument évoqué pour demeurer dans cette situation plus que dangereuse.

Un Etat qui commence, puis oublie

Outre la témérité des riverains, qui délibérément mettent leur vie en danger, ces drames sont également imputables à l’Etat dont l’empressement lorsqu’il s’agit de prendre ses responsabilités, est d’une lenteur incroyable.

Les déguerpissements spectaculaires qui sont effectués sous les objectifs de la grande « RTI » (télévision d’Etat à ne pas confondre avec télévision publique) ne vont jamais au-delà du spectacle. Puis vient le soleil comme maintenant, et toutes les mesures vigoureuses annoncées sont oubliées. Chacun retourne à son quotidien, et vaque à ses occupations jusqu’aux prochaines pluies et… prochains drames…

Koné Saibou représentant la chefferie de Mossikro, lors de ma visite, a d’ailleurs regretté que l’Etat n’ait pas poursuivi l’œuvre de déguerpissement entamée l’année dernière.

Mamadou Sanogo, ministre de la Construction du Logement et de l’Assainissement, depuis Mossikro où il est allé présenter les condoléances aux parents et amis des victimes, toujours sous les caméras vigilantes de la RTI1 a affirmé :

 « Partout où ces accidents et pertes en vies humaines sont arrivés, les populations résident au flan des collines. Et sur ces collines,  nous avons noté qu’il y a des mottes de terre chargées d’eau qui viennent, à une grande vitesse, casser les murs et ensevelir les populations qui se trouvent à ces endroits… » Puis d’exhorter les habitants à partir de ces endroits. « Nous vous demandons pardon, partez de ces endroits. Rien ne vaut la vie de vos enfants ces personnes louent ces maisons, 30 000 FCFA le mois. Et nous avons aussi remarqué que les intrants qui ont servi à construire ces maisons sont les mêmes que vous trouvez dans les quartiers dits huppés. Le gouvernement vient de développer une solution durable qu’on appelle les LEM, lotissements à équipement modérés. Ces plateformes existent dans tous les quartiers désormais ; donc il vous est possible de venir au Ceffal vous enregistrer et quitter ces endroits-là. Car les maisons que vous louez à 30 000 francs il vous est possible de les louer à 20 000 francs… » Et ces gens-là ne savaient pas ça ? Merci pour le tuyau !

Lotissements à équipement modérés, coup de com ?

Ces lotissements sociaux parlons-en ! Le ministre encourage les populations à se tourner vers les logements sociaux dont la location serait accessible au prix de 20 000 FCFA. Mais pourquoi le relogement de ces déguerpis ne se ferait pas simultanément puis que visiblement c’est la solution idoine et surtout une solution durable comme le soutien le ministre ?

Le fait est que la construction de ces fameux lotissements inaugurés fraîchement (le 14 mai dernier) par le premier ministre Kablan Duncan (qui prévoit d’ailleurs de s’en servir pour diminuer l’énorme dette qui pèse sur la tête de notre pays) est encore à l’état embryonnaire. Selon l’immense Mamadou Sanogo, « Sur un potentiel de 1561 plateformes du projet pilote, nous avons pu réaliser à ce jour 521 et 60 logements témoins dont 15 logements sur chacun des quatre sites pilotes ».

J’ai en bonne Kpakpato approché le Ceffal afin d’être éclairée et connaître le nombre exact de logements disponibles. Mon interlocuteur à qui je me présente comme journaliste me répond :

– Vous cherchez scoop? Ce que le ministre a dit là, c’est clair. Et le ministre n’a pas dit que les maisons seront louées à 20 000 F CFA; Il a demandé à ceux qui construisent les maisons dans ces zones à risques de venir prendre part au projet. Il n’ y a pas de scoop ici ma chérie. Viens au Ceffal toi et moi on va bien parler… Scoop hein ? C’est pas parler mal ça ? Donc je suis bouchée ? Heureusement que ses propos sont passés au JT du 22 juin dont la vidéo est inaccessible ces temps-ci. Elle est bloquée par l’utilisateur qui l’a mise en ligne…

– Excusez-moi monsieur mais le ministre l’a dit! En plus c’est passé au JT… ai-je répondu.

– Vois ne pouvez pas vous baser sur ces quelques mots au JT pour dire que le ministre a dit ça. En plus ces maisons ne sont que des maisons témoins. L’Etat n’ayant pas les moyens de les construire le fera avec l’appui des promoteurs.

En gros les maisons où les habitants de ces zones à risques on été publiquement priés de souscrire, afin de quitter ces quartiers précaires, ces maisons que l’on peut louer à 20 000 F CFA ne sont pas vraiment disponibles ?

En tout état de cause le ministre en plus de la traditionnelle enveloppe de « Yako » a promis qu’après la saison des pluies le quartier sera bel et bien rasé… Encore ?

J’espère bien que cette fois, c’est pour de vrai…

Allez Shalom les amis !


De l’appel de Daoukro à l’appel de La Haye…

Congrès RHDP crédit photo Imatin.net
Congrès RHDP crédit photo Imatin.net

Ma Côte d’Ivoire à moi, est une terre de perpétuels rebondissements. Les amoureux de la politique ne s’ennuient jamais bien longtemps, car il y a toujours de quoi se mettre sous la dent! En cette année électorale, les retournements de situations sont encore plus impressionnants. Les politiques se livrent à des séances privilégiées de partouzes politiciennes qui m’émerveillent. Des plans à trois, à quatre et même à cinq ! Aïe aïe aïe les partouzes moi… Bref!

Tenez ! Déjà en 2014, le jeune Bédié, président du PDCI-RDA, après avoir fait languir pendant des mois les observateurs de la vie politique ivoirienne, faisait une entourloupette aux membres de son parti en lançant son désormais célèbre « appel de Daoukro ». Ce jour-là, devant toute la nation réunie comme il s’est plu à le signifier, il faisait, en totale violation des résolutions du congrès de son parti (qui exigeait un candidat issu de leurs rangs aux prochaines présidentielles), la promesse solennelle à Alassane Ouattara de faire de lui inc et nuc, le candidat du PDCI et par ricochet celui du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui forme la coalition au pouvoir. Et il l’a fait !
Les cris de protestation et les grincements de dents provoqués par cet appel n’avaient rien changé à ses plans. Bien au contraire…

Les prédicateurs de la candidature unique sur le terrain
Nos ministres qui jouissent et se réjouissent à la tête de leurs ministères respectifs, ont sérieusement mouillé le costume pour convaincre les militants du PDCI, que cet appel était non seulement indispensable à la cohésion sociale, mais aussi la preuve vivante que Bédié est un homme de paix. Tiens donc ! En quoi violer effrontément les résolutions du congrès de votre parti fait de vous un homme de paix ? Le pays ne saurait tenir debout que si le PDCI-RDA, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire, se retranche timidement derrière le RDR parti du président Alassane Ouattara?
Tels des prédicateurs de la bonne nouvelle, nos immenses ministres, réunis au sein de missions spéciales ont sillonné le pays, rivalisant d’arguments destinés à faire avaler sans modération aucune les bienfaits de l’investiture d’Alassane Ouattara en qualité de candidat unique du RHDP. Certains n’hésitant pas à empiéter sur leurs heures de travail pour le bien de la cause ; d’autres optant carrément pour des heures supplémentaires, en apportant volontairement sur l’autel du sacrifice leur précieux weekend.
Chaque mission, chaque visite officielle se transforment en plaidoyer en faveur de l’appel de Daoukro pour ces laudateurs qui ne se lassent point de vanter la sagacité de Henri Konan Bédié et les miracles accomplis par le président de la République.

Un ministre honore-t-il de sa majestueuse présence une cérémonie dans une localité ou commune quelconque ? Bam ! Il trouvera une lucarne pour venter la sagesse dont fit preuve le jeune Bédié, artisan infatigable de la paix en terre d’Ivoire en soutenant la candidature du président Ouattara. Une tribune est-elle offerte à un autre sur une question précise ? Paf ! Il fera une petite digression, histoire de faire comprendre aux uns et aux autres qu’en dignes suiveurs, ils devraient faire leur, cet appel qui a suscité le courroux de certains cadres, qui se sont désolidarisés du RHDP afin de présenter leur candidature aux prochaines échéances électorales.
Désormais baptisés « les irréductibles » et méprisés par leur famille politique, ils ont changé les règles du jeu ! Une carte suffit : celle de Laurent Gbagbo…

He’s Back !
Eh oui! Ceux qui croyaient que l’intrépide Gbagbo disparaîtrait du paysage politique ivoirien après la déconvenue essuyée à la bataille d’Abidjan suite à la présidentielle de 2010 et son transfèrement en catimini à La Haye, peuvent toujours rêver ! Car plus que jamais, l’ombre du prince de Mama, plane sur la future élection présidentielle. Il suffirait qu’il dise un mot relativement à cette élection pour que bien des calculs tombent à l’eau.
Il est non seulement au centre de la guerre sans merci que se livrent Affi N’Guessan et Aboudramane Sangaré pour le contrôle du Front populaire ivoirien (FPI), mais joue malgré lui, les trouble-fêtes dans les débats opposants les « irréductibles » au jeune Bédié…

Au centre de toutes les batailles au sein du FPI…
Si l’on s’en tient à la dernière élection, le FPI est le parti majoritaire en Côte d’Ivoire. La preuve en est qu’en dépit de l’alliance des houphouëtistes (RHDP), qui regroupe en son sein cinq formations politiques (le PDCI, le RDR, l’UDPCI, l’UDCI et le MFA), les frontistes ont réalisé un score plus qu’honorable à la présidentielle de 2010 qui fait d’eux, le premier parti d’opposition en terre d’Eburnie (45, 90 % des suffrages exprimés) ; environ 2 000 000 d’électeurs, qui quoi qu’on dise, pèseront lourd lors des prochaines échéances électorales. L’ayant bien compris, les uns et les autres cherchent le meilleur moyen de s’accaparer ces voix.
Les conflits au sein du parti d’opposition désormais bicéphale en raison des deux présidents qui le dirigent, font bien entendu le jeu du pouvoir qui attise la flamme des guéguerres en soutenant ouvertement Affi N’Guessan, président contesté et non désiré du parti fondé par l’intrépide Gbagbo.
Chacune de ses préoccupations est traitée avec attention par le royaume. En décembre 2014, le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko montait au créneau pour défendre ses droits, suite à l’annulation du congrès du FPI. « J’appelle au respect de cette décision de justice et prévient contre toute tentative de trouble à l’ordre public, les contrevenants subiront la rigueur de la loi». Avait-il déclaré en substance.
Le 10 mars dernier, Monsieur Koné Bruno ministre des TIC et porte-parole du gouvernement, qui déclarait qu’en dépit du comité central nocturne qui l’avait suspendu, seul Affi, était reconnu comme interlocuteur du gouvernement pour le compte du FPI. « Les personnes qui aujourd’hui sont autorisées à s’exprimer au nom de ce parti, c’est en l’occurrence comme président M. Affi N’Guessan. Le jour où cela va changer, conformément au statut de ce parti et aux lois ivoiriennes, nous aurons un interlocuteur et la personne nous sera désignée (…) Tant que cela ne change pas, l’interlocuteur du gouvernement est celui désigné conformément au texte du FPI (…) on serait en faute d’aller discuter avec des personnes qui ne sont pas habilitées officiellement à représenter ».

Il en a de la chance Affi ! Anaky Kobenan président du MFA démis dans des conditions similaires par son parti, avec la bénédiction de ses alliés d’hier (RHDP), n’a pas eu la même fortune ! Jamais citoyen n’aura été autant soutenu. La RTI qui ne couvre que très rarement les activités de l’opposition ivoirienne, diffuse les siennes au journal de 20h. Euye !
Même les tribunaux dont la lenteur est légendaire, sont miraculeusement diligents et font exception à leur mythique lourdeur lorsqu’il s’agit de connaitre d’un litige dans lequel il est parti. Il faut dire que ces derniers temps, le camarade Affi, multiplie les actions en justice contre ses « amis » qui eux, crient à la persécution.
La Cour, lors des assises de la crise post-électorale, a même fait preuve d’une magnanimité à fait pâlir de jalousie Simone Gbagbo, en se gardant par le biais d’une condamnation avec sursis, d’entacher son casier judiciaire d’une vilaine affaire de trouble à l’ordre public.

L’objet de toutes les convoitises dans le camp adverse !
Mais il n’y a pas que les cadres du Front populaire ivoirien et le gouvernement qui veulent « contrôler » le FPI. Un autre groupe s’invite dans les débats. Ce sont les « irréductibles » du PDCI, qui depuis l’appel de Daoukro, ont mené une vaine offensive contre l’investiture de Sa Majesté Ouattara premier comme candidat du parti de feu Felix Houphouët Boigny.
Laurent Gbagbo, tel une vierge, une jeune et belle gazelle dont les dignitaires du royaume voudraient savourer en premier les délices, est courtisé, adulé, louangé. Ils veulent donner la migraine à mon président ADO ou quoi ?
Le député de Port-Bouet Kouadio, Konan Bertin dit KKB, fut le premier à brandi le joker Gbagbo. Il capitalise deux visites à La Haye. Une première fois en octobre 2014 peu après que le célèbre pensionnaire de La Haye ait perdu sa mère. Embrassade et accolade avaient meublé ces retrouvailles « familiales » selon les dires du visiteur.
Charles Konan Bany ne s’est pas gêné pour lui emboîter le pas à la prison de Scheveningenen accusant le président Ouattara de lui avoir défendu de rendre visite à l’intrépide Gbagbo pendant son mandat de réconciliateur. Essy Amara selon les indiscrétions devrait s’y rendre également. Qui avait dit que la politique c’est la saine appréciation des réalités du moment ? C’est bien vrai !

La politique a des subtilités que le profane ne maîtrisera jamais. Les alliances se font et se défont. Nous ne doutons point que grâce à sa popularité encore intacte en Côte d’Ivoire, cet homme jouera un rôle capital dans les prochaines échéances électorales.
Vu toutes ces agitations, de l’appel de Daoukro à l’appel de La Haye, c’est sûr, il n’y’a qu’un pas ! En tout cas, moi électrice, je suis scotchée par toutes ces stratégies ! Ma voix vous tend les bras Messieurs !
Allez Shalom !

PS : Certes je me fais rare, mais je vous aime toujours autant ! En plus je vous prépare une série d’interviews imaginaires qui devraient vous faire plaisir… Enfin… J’espère… Affaire à suivre !


Enlèvements d’enfants, l’Etat s’indigne

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Ces jours-ci, la quiétude et la sérénité des Ivoiriens sont troublées par les rapts d’enfants. De quoi mettre à mal les ambitions de climat apaisé nourries par le président de la République. La dernière fois que le pays a connu une telle psychose, les rumeurs de disparitions de sexes faisaient grand bruit !

En une salutation, un simple frôlement d’épaule, vous pouviez dire adieu à vos parties génitales. Les hommes ne pouvaient serrer une main ou recevoir une tape amicale sur l’épaule, sans tripoter leurs bijoux de famille pour s’assurer que ceux-ci ne s’étaient pas fait mystiquement la malle ! Même l’Ebola, épidémie hautement mortelle, n’a pas suscité une telle vigilance ! Officiellement, le nombre d’enfants portés disparus s’élève à 25. C’est du moins le chiffre communiqué par les autorités. Je n’ose même pas imaginer ce qui arrive aux gamins des rues, dont les parents ont malheureusement démissionné et qui sont livrés à eux-mêmes, sans personne pour assurer leur sécurité.
Ces enlèvements ont donné droit aux Ivoiriens à des sorties médiatiques qui m’ont extirpée de mon profond sommeil…

Déclaration de guerre partout !

Kandia Camara, ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement technique, a crié son exaspération. « Ils tuent, séquestrent, mutilent, enlèvent nos enfants, je considère cela comme une déclaration de guerre, les acteurs du système éducatif et moi, ne pouvons rester silencieux face à cette barbarie ». Je croyais qu’elle avait déjà déclaré la guerre aux enceinteurs d’élèves qui prospèrent sereinement dans nos établissements publics. Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, après une condamnation « avec la plus ferme énergie » de la première dame et un appel « à la réactivité et au pragmatisme » des départements ministériels concernés, annonce un commando de 1 500 soldats qui ira « patrouiller dans les lieux hautement criminogènes, tels que les écoles, les forêts ou encore les points d’eau ». Résultats ? 1 000 interpellations, 550 cybercafés non autorisés fermés et interdiction de rester ouvert après 21 h. J’ai failli rire hein… En quoi est-ce que la fermeture à 21 h des cybercafés résout-elle le problème des enlèvements ? Les gens naviguent tranquillement dans leurs salons.

Il aurait pu se limiter à ces mesures drastiques ! Mais non ! Il a décidé de s’indigner ! Je vous laisse savourer cette indignation : « Il y a des esprits malins qui veulent exploiter cette situation pour ternir l’image du pays en faisant une exagération, il y a des gens qui envoient des SMS. Tout cela pour paniquer (sic ) les gens parce que le pays va bien et il y a des gens qui sont jaloux. Quand il y a un petit malheur, ils veulent l’exploiter pour que le pays sombre, pour que l’image du pays soit ternie. Pour que notre moral soit bas. Ayez un moral haut, car on est un grand pays qui avance. Ne vous laissez pas ébranler par ce genre de choses… »

Jaloux du succès de la Côte d’Ivoire ? Jamais pareille incongruité n‘était encore parvenue à mes oreilles ! Pourtant, j’en ai entendu des belles ! Si cette crise n’était pas aussi grave, certains parents n’auraient pas pris la décision radicale de sortir carrément leurs enfants des classes et les garder chez eux, jusqu’à ce que le climat soit plus apaisé. Les gens ne se regarderaient pas en chiens de faïence. Des innocents ne se feraient pas lyncher gratuitement.
On ne peut plus administrer une purge (hum ! traitement d’Africain aussi oh !!!!) à sa nièce en paix ou aider un gosse à traverser la route sans être suspecté de vouloir l’étriper et lui arracher les organes.

Paranoïa me direz vous ? Comment ne pas y sombrer lorsque devant un tel drame, la rumeur devient la principale source d’information ? Chacun y va de ses spéculations sur les causes réelles de ces kidnappings. Certains soutiennent qu’il s’agit de crimes rituels orchestrés dans l’ombre par les « brouteurs » pour faire marcher leur business. D’autres indexent les hommes politiques qui le feraient en vue des prochaines échéances électorales. Un autre groupe avance la thèse du trafic d’organes (ce qui est plausible). On ne sait plus à quel saint se vouer.
Le président de la République a bouclé la boucle en accusant pratiquement les réseaux sociaux d’entretenir la paranoïa et d’exagérer la crise. A qui la faute ?

Laissez les gens s’indigner en paix !

Chaque fois qu’un drame survient en terre d’Eburnie, nos autorités se pressent lentement pour réagir. C’est très souvent, la clameur populaire qui les tire, à coup de pied aux fesses, de leur mutisme.
Ce fut le cas l’année dernière, avec l’affaire Awa Fadiga dont nous attendons toujours les résultats d’enquêtes. La bévue du service des urgences serait passée comme d’habitude inaperçue, si la victime n’avait pas été un mannequin et si les réseaux sociaux ne s’en étaient pas mêlés. Idem pour cette fameuse Madiara Ouattara, qui à l’anniversaire de l’accession du président de la République à la magistrature suprême, s’était immolée devant le château présidentiel, pendant que les ministres qui sévissent comme jamais au sommet de l’Etat s’étaient réunis.
Jamais l’on n’aurait cru qu’un tel évènement se produirait sur le sol ivoirien. Pourtant il eut lieu. Le gouvernement comme à son habitude a attendu que le peuple s’indigne et donne de la voix partout où il pouvait, pour pondre la déclaration selon laquelle, il respectait sa décision de s’immoler…
En principe, les premiers cas d’enlèvements auraient dû faire trembler la République; mobiliser le parquet et sortir immédiatement le procureur de la République de son bureau climatisé. C’est comme ça que ça se passe sous d’autres cieux !
Malheureusement, il a fallu attendre 21 victimes et une grogne populaire, pour que les ministres se réveillent subitement de leur sommeil et fassent leur défilé sur nos écrans de télévision pour déclarer la guerre à ce phénomène qui fait rage depuis quelques mois déjà.
Parler de jalousie, de récupération politique ou même indexer les réseaux sociaux, alors qu’on a laissé la situation s’envenimer me laisse quelque peu perplexe. Même si les gouvernants ont en horreur qu’on critique leur gestion des affaires, il faut que chacun imprime que nos nations ne sont pas dirigées par des extraterrestres ; mais bien par des hommes faillibles, comme n’importe lequel d’entre nous.
Les réseaux sociaux sont donc un formidable outil que ses animateurs que nous sommes ont le devoir d’utiliser avec un sens de la responsabilité et l’intérêt commun accrus. C’est affligeant de voir combien plusieurs, en résonance à leurs affiliations politiques respectives, ne peuvent (ou ne veulent) servir autre chose que la détestation et l’accusation de l’autre chaque fois qu’il y a lieu de se prononcer sur des évènements qui n’ont pas nécessairement de coloration politique.
La responsabilité de l’opposition et de la société civile est justement de dénoncer les failles du système par tous les moyens en leur possession. Surtout lorsqu’elles ne peuvent compter sur les médias traditionnels, englués dans la propagande gouvernementale.

Je ne vous apprends rien en vous rappelant que le président avec l’optimisme que nous lui connaissons a promis à ses concitoyens l’émergence en 2020.
Tous les membres de son gouvernement et l’ensemble de ses suiveurs chantent à l’unisson ce refrain. Les dozos, fusils de chasse accrochés à l’épaule, ont décidé qu’ils seraient à l’instar du pays, émergents en 2020. La vendeuse du marché assure à sa clientèle que ses légumes sont désormais émergents. Même la fille de joie qui fait du racolage et lance ses foulards, en toute impunité au II Plateaux Vallon, ne fait plus l’amour à ses clients de la même manière. Elle propose des parties de jambes en l’air émergentes !
C’est bien beau d’invoquer ce mot dans chaque discours, de l’ajouter à chaque thème de conférence. Cependant, les mentalités devraient commencer par évoluer et nos autorités devraient faire preuve de proactivité on aura ainsi fait un grand pas vers cette fameuse émergence si chère au cœur du président.

Shalom !