Il est des stages desquels vous ressortez complètement brisés, détruits, anéantis. Je dirai même totalement abrutis. Certains stagiaires au QI peu enviable, à l’intelligence douteuse, se révèlent plus benêts qu’avant. Réalité paradoxale !
Si avant le stage, vous étiez un tant soit peu sagaces, vous êtes prémunis ! Vous en ressortirez certes frustrés et abêtis, mais grâces soient rendues à Dieu, recouvrer votre sagacité, devrait s’avérer chose aisée…en principe.
Je relatais deux semaines plus tôt, les péripéties jalonnant le parcours du stagiaire ivoirien. Bus, taxi communaux etc.
Il brave hardiment ces obstacles, espérant parfaire une formation, parfois compromise ab initio, du fait de la médiocrité et de l’inadéquation des enseignements reçus (si bien sûr enseignement il y a eu !).
Désillusion : jour J-1
A son premier jour en entreprise, le stagiaire arbore un large sourire, dissimulant son arrogance, son angoisse et les aspects les plus retors de son caractère, sous une pseudo sociabilité et une fausse modestie.
Il joue les gentils toutous, démontrant à l’envi, que le : « Ayant un très profond désir de réussir mon insertion professionnelle, je sais m’adapter et ai le sens des responsabilités, de l’organisation et de la rigueur », contenu dans sa lettre de motivation, n’était ni du bluff, ni un leurre.
Il fera montre d’une disponibilité qui frise le harcèlement auprès de ses supérieurs, en quémandant presque, du travail.
Ceux-ci, en parfaits hypocrites, sourire narquois aux lèvres, acquiesceront, en maugréant entre eux:
– Ils font comme s’ils sont polis et aiment travailler. Quand on va les envoyer, ils vont commencer à serrer visage. Attends ! Tu vas nous sentir dans ton corps…
Une vie de larbin
Le cursus du stagiaire en entreprise est un grand classique. Il l’amorcera par une agaçante carrière d’archiviste-coursier. Il sera désormais responsable de tous les documents, y compris ceux dont il ignorait l’existence et qui lui seront exigés, non sans la menace de voir son stage s’écourter.
Puis, s’en suivra une initiation intensive à l’art de la photocopie ! Je ne sais pas si la photocopie fait l’objet d’un cours de spécialisation dans toutes nos institutions académiques, mais, en tout cas, une chose est sûre, la majorité des stagiaires ont la maitrise des photocopieuses les plus complexes.
A ce stade, il n’a pas encore touché le fond. Le déclin survient lorsque des impudents à l’autorité démesurée, notoirement habitués à être servis, confondent le statut de stagiaire à celui de domestique.
J’en ai fait les frais. Jonglant entre les courses, les photocopies et l’obligation de veiller à ce que la secrétaire ait son déjeuner en temps et en heure !
Ma vie de boniche a atteint son paroxysme, lorsqu’elle a osé un jour, interrompre mon travail (Oui ! il arrive quelques fois que le stagiaire travaille effectivement), pour aller lui faire cirer ses chaussures ! Je croyais rêver ! (Elle m’a maltraitée hein… Je l’attends au tournant ! Non mais…. !!!! Yako quoi !!!).
Ebaudie, j’avais envie d’accompagner d’une paire de gifle, ce coup de g**le de Marnie :
Mais il n y a pas eu d’arrachage d’œil ! Je me suis exécutée ! Si c’est cela le stage à l’ivoirienne… Franchement ! Non mais yako* quoi! Yako Stagiaire!
J’ai laissé trainer mes oreilles du côté de Lomé. Chez ce Togolais de nationalité ! Vous savez, ce blogueur résidant à Cacavelli, qui ne respecte que les règles qu’il se fixe ! Il semble bien que les stagiaires soient liés par une communauté de destin sous tous les cieux…Il nous livre le bruit de son silence…
Tout ça pour ça ?
Je me délectais d’une épaisse bouillie de mil au bord de la route, lorsque j’ai reçu le coup de fil du service DRH de la plus grosse société de télécom du Togo. On vient de m’accorder un stage ; au lieu du Département Juridique comme je l’avais demandé, on m’affecterait au Département Moyens et Logistiques, car « on y manque de personnes, et celui qui y est, est en fin de contrat » !
Seigneur, il y a-t-il une nouvelle meilleure que celle là ?
Présentation par la secrétaire au Directeur du Département, à ma supérieure hiérarchique (ouais j’ai toujours eu la veine de bosser sous de charmantes dames), au personnel du Département (le seul contractuel en partance), et me voilà, dès mon premier jour, à arpenter les couloirs de cet imposant édifice de 9 étages, les bras chargés de dossiers dont j’ignore tout.
Je n’ai eu que très peu de temps pour m’adapter et apprendre mon travail. Le contractuel s’en est allé (aigri par le non reconduit de son contrat), et ma supérieure n’attendait que des résultats ; rien à foutre je pouvais ou savait faire quoi que ce soit.
Le Département Moyen et Logistique/Service Achat et Approvisionnement, est certainement l’un des départements où il y a le plus de travail à abattre; j’étais donc débordé!
Je prenais toujours mon service, une demi-heure avant 7h, pour rentrer parfois après 19h. Comme j’avais la clé du bureau, je m’y rendais quelques fois les samedis, pour boucler certains dossiers avant lundi.
Tout cela pourquoi ? Bah, d’abord, il y avait énormément de travail à rendre, mais aussi et surtout, je pourrai être pris, on ne sait jamais ; il n’y avait aucun salarié dans mon département, et je me débrouillais plutôt bien, alors qui sait ?
Ma supérieure d’ailleurs semblait m’apprécier : je conduisais parfois sa voiture ; j’allais même jusqu’à chercher son rejeton à la sortie des cours. J’aurais dû être pris ; je faisais tout pour ! Je me suis endetté pour renouveler ma garde robe. Nouvelles chemises, cravates, chaussettes, vestes, parfum… bref, il fallait être irréprochable quoi. Et jusque là on ne me reprochait rien.
J’étais tellement dévoué, (avec l’aide de mon ami et Co-stagiaire Edem), que ma supérieure a failli me refuser d’assister aux obsèques de mon grand-père au village, à la mort de ce dernier (Snif, vieux Gustave, repose en paix ! Fier d’avoir porté ton cercueil, à défaut de t’offrir le poste radio que tu m’as demandé ! Snif). Hein ? Vous vous rendez compte ?
Bref, nous étions tous confiants que les postes à pourvoir nous reviendraient d’office. Mais le rêve était trop beau pour être vrai. « Aphtal, toi aussi ! Tu ne trouves pas que c’est un peu trop facile ? », Se moquera un ami de la fac.
Le dernier jour de notre stage, la secrétaire nous introduit dans le bureau du Directeur du Département, qui nous dit peu près ceci :
« Les enfants, je ne vous ai pas personnellement suivis, mais vous avez fait du bon boulot. En tout cas, j’ai senti que les choses ont bougé ! C’est bien. Gardez cette énergie, ok ? Les portes du Département vous seront toujours ouvertes. Revenez quand vous voulez ; n’hésitez pas à venir aider, si vous vous ennuyez à la maison ; vous-même vous voyez comment il y a du boulot non ? Continuez par chercher ; déposez les demandes, ça va finir par payer d’accord ? Merci beaucoup et bonne chance. »
Je suis sortit du bureau du Directeur avec un léger vertige. Mais le comble de l’ironie, c’est qu’en regagnant mon bureau, un jeune homme était assis sur une chaise, lisant des trucs posés sur une table !
« Bonjour, vous désirez ?
– Ah bonjour ! Je suis stagiaire ; je viens de recevoir ma note de service, je commence ce matin… »
J’ai juste souri, et j’ai dépassé le nouvel imbécile de l’administration togolaise, pour aller signer ma demande d’attestation au DRH.
Ma supérieure n’était même pas là pour pour rédiger une petite note élogieuse, adressée à ses supérieurs. Chiche ! Je suis sorti avec le sentiment du devoir accompli ; et depuis je n’en cherche même plus ces stages non rémunérés et ingrats.
Comme l’a parfaitement résumé mon lecteur tant aimé : « Un stagiaire sait bien qu’il n’y aura pas d’embauche, mais il préfère rester optimiste. Il se dit qu’il y a peut-être une chance de rester, même si c’est de l’ordre de 0,01% ! Il s’accroche à cette lueur d’espoir, attendant que son patron, cet homme ou cette femme qui se trompe avec autorité, lui annonce les mots magiques.
Bon courage et pensée spéciale à tous les stagiaires de 1,2 voir 3 ans d’expertise …. ».
Nous avons dit !
Yako: Expression ivoirienne qui exprime la compassion
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