J’ai toujours eu un dream. Non à la Martin Luther King, mais à la Babeth Lizy. Mon cursus scolaire et mes projets d’études ont toujours tourné autour de la réalisation de ce rêve. Les six années, (voire dix) de stage, que m’imposent l’accession à cette profession à laquelle j’aspire tant, n’ont point, loin s’en faut, entamé ma motivation.Les ourdissages des « dignitaires » de la corporation, qui dans la crainte de voir s’accroître leur nombre, œuvrent à rendre de plus en plus rocailleux, le chemin menant à la nomination à cette noble fonction n’ont pas eu raison de ma détermination. Lorsqu’à l’issue d’une quête obstinée et persévérante j’eus l’opportunité de faire mon premier stage, j’étais toute retournée et excitée.
– Enfin ! M’écriai-je intérieurement. Je pourrai me lever tous les matins, chausser mes escarpins made in China, comme ces pipelettes BCBG, au regard altier de mon quartier, pour moi aussi me rendre au boulot.
Hey ! Elles sont peut être bon chic bon genre, mais moi, en plus d’être intelligente je suis beau cul belle gueule. Pardon? Imbue de ma personne ? Laissez moi faire mon atalaku* ! Qui va se négliger ?
Les premiers émois de la stagiaire passés, vint l’angoisse du trajet quotidien pour me rendre au boulot.
Lorsque vous êtes un fonctionnaire moyen, sous payé, ou un eternel stagiaire surexploité comme moi, vous n’avez pas de véhicule. Le trajet vous menant au bureau, surtout pendant l’année scolaire, synonyme d’embouteillages, constitue un réel périple.
Vous finissez par regretter vos soupirs incessants, après la reprise des cours. Car le vacarme de certains écoliers malappris, qui n’ont pas compris qu’une cité résidentielle impose un minimum de savoir vivre, parait insignifiant au regard des accrocs que vous feront subir les bouchons.
D’autant plus, que la dragonne cracheuse de feu, qui vous sert de boss, se fiche des péripéties jalonnant votre itinéraire. Le respect des horaires est par conséquent la garantie du maigre salaire, pour lequel les vautours au flair aiguisé qui vous entourent, lorgnent le calendrier, attendant impatiemment la fin du mois pour vous exposer leurs infortunes.
Inutile par ailleurs, d’espérer vous abriter sous le « parapluie atomique » de la secrétaire. Dans la ferme intention d’affirmer son statut de « boss bis », elle n’hésitera guère à vous dénoncer. Il faut bien mériter les prébendes que lui donne sa chef…
Son Message subliminal ?
– Ici, après la patronne c’est MOI qui commande. Ça ne changera pas ! Toi tu n’es qu’une stagiaire, tu viens d’arriver ; tes diplômes là, on s’en fout !
Te voilà prévenu stagiaire ! Obligation de ponctualité ! Une stratégie s’impose…
Le recours à un ami véhiculé et généreux
Le meilleur moyen d’arriver sereinement au service, est de te faire un ami véhiculé. Attention, un pote qui a une voiture neuve de préférence. Tu ne peux pas te permettre de monter dans une vieille caisse pourrie, familière des panes à répétition.
Tu seras naturellement soumis aux horaires de ton bienfaiteur.
– Tu finis à 16h ? Hé bien lui compte rentrer à 20h. Tu n’es pas content ? Beh casse toi pauvre c**, oups ! Je me suis prise pour l’autre ! (Soit dit en passant, c’est lui qui aura fini par se casser… Et depuis…Bref ! Passons !)
Rien ne t’oblige à l’attendre ! Ah si… suis mon regard.
Tu uses et abuses de son siège, faisant fi des remarques acerbes, des rictus à tes blagues auxquels il riait jadis à gorge déployée. Il te dit subtilement, qu’il en à marre de subir ton encombrante présence et ta conversation désormais rébarbative. Mais rien y fait. Tu restes sourd à ses signaux pourtant criards.
Pire, tu te mues en sorcier. Distillant tel un venin mortel, tes ondes négatives. Les paroles incantatoires, visant à contrarier tout projet de voyage, ou de mission, exprimées par ton âme, l’attestent. Car s’il voyage, qui va te déposer au boulot gratuitement ? Hein ! Son absence pèserait lourd sur ta bourse et t’imposerait des séances régulières de jeûne et prière. Sorry ! Impossible !
Si malgré tout, ton pote t’envoie bouler, tu as une deuxième option :
Les transports en communs
Les plus économiques, sont les bus de notre chère Société de Transport Abidjanais (Sotra) qui protège jalousement son monopole en neutralisant toute forme de concurrence. Certaines mauvaises langues, la définissent comme la Société Organisée pour Tracasser les Abidjanais (les ingrats).
Pendant mes périodes de vaches maigres, je suis tentée d’en emprunter les bus. Mais le souvenir de mon visage collé à la vitre, étouffée par une foule entassée et pratiquement empaquetée telle des sardines en conserve, me fait hésiter…
Je n’y renonce pas pour autant. Mes ressources m’imposent un calcul mathématique des avantages liés à cette probabilité. Je cogite une seconde fois, mais la réminiscence de ces élèves allergiques à la douche essuyant la sueur dégoulinant de leurs visages sur mon corsage, a tôt fait de me décourager.
En outre, l’arrestation musclée dont je fis l’objet, en plein midi sur le Boulevard Lattrille par les contrôleurs, pour fraude, demeure toujours aussi traumatisante (ne cherchez pas à comprendre, j’ai même été embarquée dans leur cargo… ). Non merci !
J’opte pour les taxis communaux, dits « Wôrôwôrô ». C’est la saison des vaches grasses pour ces aigrefins, maîtres dans l’art de la gredinerie. Ils n’hésitent pas à doubler sans aucun état d’âme le coût du transport. Les passagers n’ont d’autre choix que de se plier à cette escroquerie.
Que peuvent-ils faire ? Protester ? Ils n’en ont cure ! Injurier ? Cela ne résout rien. Porter plainte ? Auprès de qui ?
La solution est d’acheter ma voiture. Malheureusement, ce n’est pas pour demain. Je dois encore patienter. C’est décidé j’emprunte un taxi !
J’arrive sur mon lieu de stage pour faire la boniche ma formation…
Affaire à suivre…
Shalom !
*Atalaku : Chanter les louanges
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